Nous avons eu beaucoup d’articles inquiétants sur la quantité de microplastiques ingérée. Je me suis dit qu’il serait donc intéressant de prendre l’un des plus WTF et de le décortiquer.
Les chiffres qui font peurs sont ici.
Mon intention n’est pas de minimiser l’impact. C’est juste que certains éléments m’ont beaucoup troublée en tant que scientifique. L’article a été repris dans The Guardian et en France et dans plusieurs médias comme Le Monde. Voici le lien.
Tout d’abord, et ça change vraiment tout, c’est une étude qui en utilise d’autres : Les auteurs ont récupéré des données en provenance d’autres articles, les ont compilées, extrapolées pour obtenir les chiffres qu’ils présentent. C’est un point important qui explique ce qui suit.
Ils ont utilisé 26 études et extraits 402 données. Ensuite, ils ont considéré la population américaine, la manière et sa consommation journalière et utilisé les données récoltées pour en déterminer la consommation de microplastiques.
C’est une méthode comme une autre, au moins elle est basée sur des consommations réalistes. Pour l’eau en bouteille ils ont estimé une consommation journalière moyenne de 0.436 L. Le reste, c’est l’eau du robinet.
Ils ont également ajouté les quantités inhalées.
Ce qui m’a frappée dans les graphes que j’ai pu voir, c’est la quantité de fibres de l’eau (bouteille et robinet). Largement au-dessus des fragments. Je vous mets une partie du graphe :
Attention, on est en nombre de microplastiques. Une poussière dans l’air issue d’un polymère en est un. L’analyse des résultats est statistique, pas d’analyse sur l’origine des microplastiques, ni sur les méthodes utilisées dans les articles source… je reste sur ma faim.
Je me suis focalisée sur l’eau en bouteille. Les études prises en compte n’utilisent pas les mêmes méthodes d’analyse : l’une considère des particules de 6.5µm ce qui est très faible. Est-ce représentatif ? Le mieux est d’aller voir à la source et de lire ces articles.
Commençons par celui-ci. Source.
Et ça commence mal : aucune info sur le type de plastique utilisé pour ces bouteilles… on ne sait pas, il faut chercher, ce qui me fait dire que je ne vois pas comment ils pourraient conclure sur l’origine des microplastiques.
Pour chaque bouteille ils ont ajouté un révélateur puis filtré l’eau. Pour info, ce révélateur se fixe sur les éléments organiques : bactéries, lipides, protéines et plastiques. C’est important de le mentionner pour la suite.
Ils ont compté et analysé les particules de taille supérieure à 100 µm. Là c’est facile, ça se voir à l’œil et microscope optique. Puis ils ont analysé la nature chimique de ces particules par spectroscopie infrarouge.
Ensuite ils ont compté les autres microparticules avec un logiciel et… n’ont pas analysé les microparticules. Parce qu’ils ne peuvent pas le faire. Trop petit pour l’infrarouge. Et devinez quoi ? ils ont extrapolé la nature chimique des microparticules aux nanoparticules.
Mais pourquoi ??
On peut se dire que c’est logique mais ça ne l’est pas puisqu’on ne sait pas du coup de quelle nature chimique sont les particules inférieures à 100 µm. ça pourrait être de la cellulose (donc pas du plastique) ou d’autres éléments organiques.
Une grande majorité des résultats sur les fragments les plus gros indiquent qu’on retrouve du polypropylène en majorité, utilisé pour la fabrication des bouchons. Au second niveau : le nylon… Aucune relation entre nature chimique des microplastiques et leur forme même pour les plus gros.
Les auteurs admettent que leurs résultats se détachent des autres études existantes. Mais ils estiment que leur méthode est la plus efficace puisqu’elle permet de mesurer des particules de très faibles dimension. Permettez-moi d’en douter !
J’ai pris un autre article pour comparer, le premier m’a un peu déprimée. Et là, c’était de bien meilleure qualité. Source.
Là on est sur une étude qui se focalise sur 3 bouteilles de bière (verre) et une bouteille d’eau (PET). Là on a une vraie analyse des microparticules avec la spectroscopie Raman. Ils ont analysé des échantillons ET des blancs qui sont en fait les mêmes liquides mais filtrés 2 fois.
On se rend compte que la différence entre blanc et échantillon initial n’est pas si importante. Je vous mets le graphe pour les bières, sachant que les bouteilles viennent d’n même lot ! on n’a pas les mêmes résultats !!!
La majorité des microparticules identifiées dans cette études sont des fibres, provenant de la contamination extérieure, même en prenant les précautions nécessaires, les échantillons sont très vites pollués notamment par l’air.
La cellulose (qui n’est pas un microplastique, même si elle est organique, on nous la fait pas) est très présente ! Là on se remémore l’étude précédente et on se dit que certaines microparticules identifiées pourraient être tout autre chose comme de la cellulose.. on ne saura pas.
Et là je me dis : mais comment l’étude initiale a pu utiliser ces données ? entre une première étude qui ne permet pas de dire ce que sont les particules observées et la deuxième qui présente les résultats comme une pollution des échantillons par l’air, on se dit que dans le premier article, la pollution de l’air a pu être comptabilisée plusieurs fois d’où les chiffres qui font très peurs. Et je ne vous ai présenté que 2 articles sur l’eau en bouteille.
Quand j’avais entendu l’experte agro-polymères qui passe sur tous les plateaux tv, radio, et dans les journaux nous dire qu’en secouant une bouteille, celle-ci génère des micro-fibres… je vous avais dit que c’était impossible (techniquement).
Vous comprenez maintenant d’où viennent ses informations. Vous comprendrez également que l’on peut faire dire ce que l’on veut à une étude quand la conclusion est déjà préparée à l’avance.
Ce que je peux vous dire, c’est que oui il y a des microplastiques, oui ils sont présents un peu partout mais non, ils ne sont pas aussi nombreux que ce que l’on peut vous faire croire.
Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas investiguer sur leurs effets, au contraire. J’espère vous avoir éclairés sur cet article.
Le petit lien vers le thread Twitter : https://twitter.com/Kako_line/status/1139947349206286338