L’Allemagne est un pays souvent cité en exemple pour son excellente gestion des déchets ménagers, mais également pour son taux élevé de recyclage des emballages en plastiques. Je vais vous présenter quelques faits qui, je l’espère, vous permettront d’y voir plus clair.
L’Allemagne produit une quantité de déchets par habitant équivalente à la nôtre, environ 4850 kg/an et par habitant (source : Eurostat 2016). Comme ils sont plus nombreux (83 millions contre 67 pour la France), la quantité totale générée par an est de fait plus importante.
Pourquoi l’Allemagne est-elle considérée comme le bon élève mondial de la valorisation et du recyclage des déchets ?
Avant de parler des déchets ménagers, voici un graphe représentant le % de déchets valorisés (recyclage ou incinération) en fonction du type de déchets. Les taux de valorisation y sont importants, quel que soit le type de déchet (source : ministère de l’environnement allemand)
Au niveau européen, il se situe parmi les pays les plus engagés dans la valorisation des déchets comme le montre ce tableau (source Eurostat, 2016) qui représente la valorisation des emballages : l’Allemagne valorise bien plus ses emballages que la France.Les chiffres de 2016 ont un peu évolué, mais je trouvais que ce tableau permettait de bien situer les pays les uns par rapport aux autres.
97% des déchets sont donc valorisés, 70% sont recyclés et le reste incinéré.
Quand on regarde le graphique ci-dessous de valorisation des emballages, cela laisse rêveur. On est presque à 100% de valorisation pour le plastique (44% de recyclés, le reste incinéré). Et on comprend mieux pourquoi ce pays est cité en exemple. Pour comparaison, la France recycle 28% des emballages plastiques.
Autre point, la culture du tri des déchets en Allemagne : Il y a une véritable culture du tri des déchets dans ce pays. Cela est lié à une éducation et une incitation forte des autorités depuis de nombreuses années. Ainsi sont triés : le papier/carton, le verre (coloré ou non), les matériaux recyclables (plastiques, canettes, dans la poubelle jaune), les déchets organiques, les autres déchets étant mis dans le tout-venant. Un peu compliqué à comprendre pour nous … pourtant c’est un comportement qui n’est pas nouveau.
L’Allemagne a commencé à s’attaquer à la problématique des déchets non dangereux dans les années 80, notamment avec la réduction des taux de déchets mis en décharge et le choix du recyclage comme solution au problème de la gestion des déchets. Fin des années 80, début 90, l’opinion publique allemande est contre l’incinération et la mise en décharge des déchets. Ce qui pousse le gouvernement allemand à mettre en place des mesures plus incitatives pour les industriels et le consommateur
La consigne des bouteilles en PET date du début des années 1990 et elle va évoluer jusqu’aujourd’hui, en permettant la réutilisation des bouteilles d’eau, jusque 25 fois pour le plastique et 50 fois pour le verre.
En 1991, le Décret Toepfer impose aux industriels de prendre en charge le recyclage de leurs emballages en deux étapes, avec des taux de recyclage prédéfinis : 50% de collecte des emballages en 1994 et 80% de collecte en 1995. Cela a engendré une nécessité de tri des emballages chez le consommateur entre autres, qui explique aussi les habitudes prises par les allemands de trier sérieusement leurs déchets. Le décret Toepfer a également imposé d’autres contraintes aux industriels qui mettent sur le marché des produits emballés, notamment dans la reprise des emballages secondaires et de transport.
L’objectif de ce décret était de faire en sorte que les industriels prennent en compte la fin de vie des emballages qu’ils utilisaient. Un groupement de 600 industriels ont créé dans la foulé le Duales System Deutschland (DSD) qui était chargé par le gouvernement allemand de collecter les déchets recyclables (poubelle jaune). Cet organisme était financé par une taxe verte sur tous les emballages mis sur le marché. Mais le DSD a dû très vite faire face à deux difficultés : la quantité de déchets recyclables très importante, et le fait que certains allemands taxés sur les déchets ménagers mettaient à peu près tout et n’importe quoi dans la poubelle jaune pour réduire ces taxes. Le tri des déchets collectés engendrait donc beaucoup de refus. La plus grosse difficulté pour le DSD est la gestion des déchets en plastique. Le papier et le verre se recyclent bien, même s’ils sont peu rentables.
Le plastique, dont les quantités augmentent d’année en année, deviennent un vrai problème. C’est à ce moment là que la DSD demande au gouvernement de réduire le nombre de type de plastique à recycler, afin de pouvoir se focaliser sur les plus intéressants économiquement
C’est là qu’ont commencé les exportations vers les pays en voie de développement, permettant aux industriels allemands de continuer à déclarer les déchets recyclables comme « recyclés » puisqu’une partie était considérée comme recyclée à l’étranger. Et c’est là que le mythe tombe.
Un Tiers des déchets plastiques qui sont dits « recyclés » par l’Allemagne, le sont en dehors du Pays selon le ministère de l’environnement Allemand.
Les taux de recyclage déclarés par le gouvernement allemand inclus l’exportation des déchets. Le graphe ci-dessous présente les tonnages de déchets importés et exportés, soumis (vert foncé et rouge) ou non (vert clair et jaune) à approbation du gouvernement
En parallèle, l’Allemagne devient l’un des pays qui innove le plus dans les procédés de recyclage. Ce qui est quand même assez paradoxal. Mai qui permet un recyclage de qualité, sur des plastiques ciblés comme le PET, le PEHD, le PP.
En 1994, le gouvernement assoupli le décret Toepfer en permettant l’utilisation de l’incinération lorsque les objectifs de recyclage sont atteints. Cela concerne surtout les plastiques. Et cela donne un second souffle au système de gestion des déchets allemand.
Aujourd’hui, l’objectif de limiter un maximum la mise en décharge est une vraie réussite.
La valorisation des déchets est priorisée et la mise sur le marché de nouveaux matériaux comme les biosourcés ne devraient pas perturber les habitudes des consommateurs. Sauf mise en place de poubelles pour le compostage industriel qui reste encore à développer plus largement dans le pays. L’expérience allemande montre que la gestion des déchets ne peut être réalisée qu’en mettant en oeuvre une politique associée de diminution des déchets, les taxes et les consignes ont leur effet positif, tout comme l’implication du consommateur, mais cela n’est pas suffisant
Même si globalement le système allemand est intéressant et efficace j’espère que nous pourrons en tirer les leçons. Au-delà de l’implication de chaque acteur et la gestion comptable des déchets c’est le changement de nos modes de consommation qu’il faut viser
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