J’ai reçu le lien vers ce site associé à l’appli YUKA. Il présente la dangerosité des emballages en plastique mais pas que. Ça m’a pris un peu de temps parce qu’il y a beaucoup de sources. J’ai comparé leur contenu avec celui de l’article.
Voici le lien vers l’article en question, rédigé par YUKA.
A première lecture du contenu particulièrement anxiogène, je me suis dit que le consommateur lambda n’allait utiliser que des emballages en verre ou des tissus. Ce qui est intéressant c’est qu’ils utilisent de vrais arguments, mais en prenant seulement une partie de l’information.
Il est donc difficile de déterminer si le contenu est pertinent ou non. Ils ont pratiqué le cherry-picking : sélectionner les données ou parties d’avis qui les intéressent en les dé-corrélant du contexte d’où ils proviennent pour en faire des généralités dans ce cas de figure.
L’article donne un avis sur chaque type d’emballage. Il donne une liste de sources issues de publications scientifiques ou d’organismes publics comme l’ANSES ou l’INRS. Une partie de ces sources n’a pas servi à la rédaction de l’article Je suppose qu’elles ont été mises là pour information. On a donc l’impression d’une recherche bibliographique conséquente, ce qui n’est qu’une impression.
Je vais reprendre chaque partie, par matériau et vous donner mon avis au regard des sources citées.
C’est un matériau fantastique, recyclable à 100%. Il n’y a AUCUNE source citée pour le verre. Aucun moyen de savoir où ils ont récupéré les infos sur ce matériau et il aurait été intéressant d’avoir des précisions sur ses limites, histoire d’être cohérent.
Le texte général sur les matériaux parle du contact des plastiques avec la chaleur. Je me suis demandée quelles sources ils avaient utilisé. Et j’ai trouvé un article de l’INRS qui parle de la dégradation thermique des plastiques. Vous y verrez un tableau qui précise les températures moyennes de dégradation de ces plastiques, sachant qu’on parle ici d’exposition prolongée. Source
On ne chauffe pas un plastique qui n’est pas fait pour. Les conditions de chauffe sont précisées : four, micro-onde, température, puissance max. Là-dessus ils ont raison. MAIS ils parlent du danger des plastiques en utilisant des données spécifiques à la dégradation thermique. Dans cet extrait, ils parlent de café ou de thé dont la température ira jusque 90°C, sachant que les gobelets en plastique pour le café sont en polystyrène (PS) et que sa température de dégradation est à 230°C. Donc l’affirmation de l’article n’est pas justifiée ici.
Dans l’extrait suivant, on parle de microplastiques je suppose.
Je regarde les sources d’infos et je vois plusieurs articles sur les microplastiques. L’un d’entre eux parle de microplastiques dans les bouteilles d’eau et je me rends compte que c’est celui que j’avais analysé dans mon thread sur les microplastiques ici.
Rappelons que pour l’OMS il n’y a à ce jour pas de démonstration de la dangerosité des microplastiques pour la santé.
Ensuite nous avons une description des types de plastique, je vous remets le lien vers mon article sur la toxicité des plastiques ici.
Ce qui est intéressant c’est que même les plastiques ayant un avis « positif » présenteraient des dangers pour la santé et l’environnement. Du coup l’article est assez flippant et si je n’y connaissais pas grand-chose, je n’utiliserais aucun d’entre eux. Je précise que, dans tous les cas de figure, l’objectif de l’ajout d’un additif dans un plastique n’est pas qu’il migre en dehors mais qu’il joue son rôle au cours de la vie du produit.
Le polyéthylène haute densité (PEHD)
il est clean MAIS il libérerait des nonylphenols (NP) une fois exposé aux UV. Un article cité parle de NP dans les bouteilles en PEHD. Ils sont issus de la fabrication d’un anti-oxydant qui contient des traces de NP (fabrication). Source.
Sauf que l’article date de 2004. Le NP est entré dans la liste SVHC de REACh en 2012. L’article présente des écarts types importants parce que cet antioxydant n’est pas utilisé systématiquement. Il est fort probable qu’ils aient été supprimés parce qu’une fois entrée dans l’annexe XIV de REACH, cette substance sera interdite sans seuil.
De plus, je ne vois pas de rapport avec les UV. Si on parle de dégradation des anti-UV ils ne libèrent pas de NP.
Le polyéthylène basse densité (PEBD)
Il est uniquement constitué de carbone et d’hydrogène. Les additifs éventuels sont des anti-oxydants. Qui sont limités en quantité en fonction de l’application… je n’ai pas retrouvé l’article correspondant. Mystère, je ne sais pas ce dont il est question dans l’article
Le polyéthylène téréphtalate (PET)
Il serait incroyablement dangereux selon eux avec la migration d’antimoine et d’un perturbateur endocrinien, qui est un phtalate selon les sources. C’est le genre de chose que l’on retrouve dans les sites antiplastiques. Un grand classique.
Pour l’antimoine, L’article qui en parle est le même qui parle de la migration des phtalates. Cet article est une étude bibliographique (non exhaustive) sur la migration de perturbateurs endocriniens à partir de bouteilles PET.
Source.
Ce qui est intéressant c’est qu’un autre article est cité : une réponse de certains lecteurs à l’article précédent. Sur le sujet de l’antimoine, il est précisé qu’il y a confusion entre différents types d’antimoine, que les recherches réalisées sur le sujet sont en cours et qu’il n’est pas nécessaire d’affirmer que ce que l’article affirme c’est que ce qui est inconnu est dangereux. Ce qui n’aide pas à faire avancer la recherche au final.
Source.
Pour les phtalates, ils précisent que le mode de fabrication du PET ne permet pas de retrouver des phtalates. Les monomères utilisés pour la fabrication du PET ne peuvent pas expliquer leur présence.
Pour le BPA je l’avais également expliqué dans mon article sur la toxicité supposée des plastiques, c’est une chimère.
Le polychlorure de vinyle (PVC)
Il contient des plastifiants qui peuvent être des perturbateurs endocriniens. Ils sont remplacés par d’autres qui ne posent pas de problème au contact alimentaire. Et c’est l’un des articles cités qui le dit sans que ce ne soit cité par YUKA.
Source.
Le polystyrène (PS)
Il est soupçonné de relarguer du styrène. Vous regarderez dans le document de l’IRSN plus haut que le PS produit du styrène autour de 250°C en début de dégradation thermique. Je regarde l’article en question qui est une analyse très intéressante de la biblio sur le sujet.
L’analyse montre que le PS ne relargue pas de styrène à température ambiante. Et à 40 ou 60°C on est entre 10^-9 et 10^-18 mg/g. Cela me parait tellement bas que je me demande comment ils ont mesuré ces valeurs. Je n’ai pas pris en compte les valeurs modélisées à température ambiante parce que ce ne sont pas des valeurs mesurées et que je ne connais pas leur mode de simulation. Celles-ci sont annoncées avec des expositions infinies…
Et… surprise !! l’aluminium et le papier/carton sont aussi considérés comme des emballages potentiellement dangereux !!
C’est assez surprenant, parce qu’à ce rythme on va finir par ne plus rien emballer.
Apparemment des particules d’aluminium migreraient dans les aliments. J’étais un peu perplexe parce que, de la même manière que précédemment, ce n’est pas totalement faux mais pas totalement juste non plus. Je m’explique : L’aluminium peut se retrouver sous 2 formes : dans la fabrication d’additifs (alimentaires, médicaments, etc.) ou dans la fabrication d’emballage et d’ustensiles de cuisine. Le premier cas est traité dans le lien qui est donné par le site
Source.
Le 2e cas est traité par le site d’un certain Anthony Bertheux qui présente les dangers de l’aluminium en citant les emballages, en expliquant pourquoi ils sont dangereux mais en ne citant aucun article associé, malgré la longue liste de sources qui donne l’impression de sérieux Donc oui, l’aluminium sous sa forme de feuille peut migrer vers l’aliment dans certaines conditions bien précises (température, acidité etc.) mais il n’a pas été démontré qu’il avait des effets plus néfastes que l’aluminium naturellement contenu dans les aliments ou ajouté. Je n’ai trouvé que des interviews de l’ANSES et l’EFSA mais pas de document récent sur le sujet. Une inteview chez CheckNews.
Source.
Vous pourrez ainsi comparer avec l’affirmation de l’article de YUKA qui fait très peur :
Pour remplacer le papier d’alu, le site propose les beewraps. Sauf qu’ils ne peuvent pas être utilisés comme le papier d’alu : éviter le contact avec les viandes et poissons crus, on ne peut pas le chauffer (puisqu’il est constitué de cire d’abeille et de coton). Il peut être utilisé pour couvrir un contenant sans contact direct avec l’aliment. Réutilisable comme le papier d’alu. Mais comme je vous le dis souvent, quand on change de matériau, on change également la façon d’utiliser le produit.
Ensuite on a le papier et le carton. Cela fait suite à l’alerte de l’ANSES il y a peu :
Source.
C’est une étude qui date de 2017 et concerne les emballages en carton contenant des huiles minérales (ce n’est pas systématique). Je ne sais pas si cela a évolué depuis, simplement qu’il est demandé à l’UE de légiférer.
✅Verre
❌Plastiques
❌Alu
❌Papier/carton
Je pense que si l’application intègre ces aspects cela risque de favoriser fortement certains magasins ou types de produit (vrac notamment, suivez mon regard…). Ne vous méprenez pas je suis pour la réduction des déchets en général. Mais je ne peux pas laisser dire n’importe quoi non plus sur ces matériaux.
Les emballages alimentaires sont conçus selon des règles strictes et sont testés avant mise sur le marché, en fonction des conditions de transport, stockage, utilisation et des produits qu’ils contiennent. La réglementation est écrite sur la base des connaissances scientifiques actuelles, et elle est mise à jour régulièrement. Ce qui est dit dans l’article de YUKA est dangereux, irresponsable.
Même si l’article a été probablement écrit par méconnaissance du sujet, il n’en est pas moins irresponsable. L’appli est utilisée para au moins 10 millions d’utilisateurs. S’ils pouvaient nous faire un retour là-dessus ce serait très apprécié.
Petit lien vers le Thread Twitter :
https://twitter.com/Kako_line/status/1190311469558239232?s=20