DEBUNK – L’atlas du plastique

J’ai lu l’Atlas du Plastique, avec beaucoup de difficultés. Les auteurs ont pris beaucoup de libertés avec les faits. Voici le debunk.

Le titre de l’ouvrage est « Atlas du plastique : faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques ». Je le précise parce qu’on pourrait penser que le document fait un état des lieux de la situation.

Spoil : Ce n’est pas le cas.
lien.

Il est très difficile de s’y retrouver dans ce document, même s’il y a des thèmes, les auteurs passent d’un sujet à l’autre sans transition. De plus, les sources sont peu nombreuses et mal intégrées dans le texte. J’ai eu du mal à retrouver les chiffres. Sans compter les erreurs

Soit il est mentionné « une étude a montré que… » soit une affirmation forte est faite sans démonstration ni source. Il faudrait croire les auteurs sur parole donc. Je précise aussi que je fais ici un retour partiel voire très partiel. Ce serait trop long par thread

[AVANT-PROPOS]

Contrairement à ce qui est dit, les plastiques même pétrosourcés peuvent être biodégradables et compostables (ex : PCL). Ce n’est pas lié à leurs chaines moléculaires sinon la cellulose ne pourrait pas se dégrader. C’est lié à leur nature chimique.

Il est question de « crise du plastique » sans que cela ne soit définit. En quoi la question des plastiques est-elle différente de celle des autres matériaux ? Pourquoi se focaliser sur le matériau permettrait de solutionner le problème ?

[HISTOIRE]

Le terme plastique fait référence aux polymères qui ont nécessité une modification chimique (les polymères naturels ne sont pas concernés) sans distinction de l’origine bio- ou pétrosourcé, cette définition est donc partielle. Voir Directive du 5 juin 2019 ci-dessous.

L’affirmation ci-dessous, très générale n’est pas sourcée. Il est difficile d’argumenter, parce qu’elle n’est pas suffisamment précise pour que la démonstration puisse se faire. Je le ferai sur d’autres affirmations concernant les additifs dans les chapitres suivants.

[SOCIÉTÉ]

D’après les auteurs, le plastique est à l’origine du tout jetable. Sans préciser qu’il est à l’origine de grandes avancées technologiques : médical, transports, construction…et emballage. C’est précisé dans un autre chapitre mais pas ici où on le définit dans la société.

La carte en rose/violet ci-dessous est issue de l’Atlas (Statistica). Je vous mets en parallèle celle en orange/vert (Eurostat) qui présente les taux de recyclage des emballages en plastique en Europe. Cette info n’est pas présente dans l’Atlas. Qui se veut factuel n’est-ce pas ?

Pas de conclusion sur la France. Dommage on aurait pu constater que notre production de déchets plastiques est dans la moyenne européenne mais qu’on doit faire un effort plus important dans le recyclage et donc dans le tri.

Vous ne retrouverez pas cette analyse dans le texte. L’information est donc partielle dans le document. Il aurait également été plus honnête de préciser que dans l’union européenne, les déchets plastiques ne représentent que 19% des déchets générés… (chiffres Eurostat)

L’industriel est donc l’unique responsable de la pollution. A un moment donné, si on veut que les choses avancent, chaque maillon doit être responsabilisé : de la production à la fin de vie, en passant par la mise en place des moyens et du socle réglementaire et normatif.

Je ne suis pas en désaccord avec tout, bien qu’il y ait des énormités dans ce texte. Le paragraphe suivant me parait sensé. Bien que non explicité, ça reste très général. L’industrie devrait faire plus, pour ces pays, notamment sur l’éco-conception. On est d’accord.

[USAGE]

Je pense qu’il n’est pas compris par les auteurs qu’un emballage pouvait être de haute technicité. Les exigences pour le contact alimentaire sont élevées et ce sont des matériaux qui demandent parfois plusieurs années de développement, même s’ils paraissent simples.

L’impression ici est que l’on tente d’expliquer des propriétés sans comprendre. Les explications sont incorrectes (ex : l’utilisation du PP au contact de liquides chauds). C’est léger et le lecteur peut avoir l’impression que l’utilisation du plastique est imposée par l’industrie.

Et il y a ce graphe qui indique la production de plastiques à usage unique. En fait ça correspond à la production de plastiques vierges ET recyclés de type PE, PS. Il exclut celle du PET et du PP. J’ajoute la légende du graphe qui se trouve dans la source.

J’ai quand même l’impression que les auteurs ont très largement faussé la lecture des données. Je ne peux pas dire si c’est volontaire ou non. Mais on voit une franche orientation des propos et de la manière dont les chiffres et les faits sont présentés.

[SANTE]

La majorité des additifs du PVC sont des phtalates. Le règlement européen REACh met en place restrictions et interdictions sur les substances dont ces additifs. Pour le contact alimentaire ou bien la puériculture par exemple. Pas un mot sur l’ECHA ici (European Chemicals Agency)…

Très peu de sources dans cette partie. On parle pourtant de toxicité des produits eux-mêmes mais aussi des process de fin de vie. Notamment de la valorisation énergétique c’est-à-dire de l’incinération des déchets qui nous empoisonnerait à en croire le document.

Je précise qu’il y a une réglementation sur ces installations industrielles. Et qu’à moins de nous dénicher une étude sur le sujet, cette affirmation est gratuite. S’ils ont des preuves, qu’ils n’hésitent pas à dénoncer rapidement les sites qui seraient hors cadre réglementaire. Il est probable qu’ils confondent rejet et retombés atmosphériques, ces derniers n’étant actuellement pas de seuils réglementaires, qui nécessite un recul sur les impacts environnementaux et sanitaires.

[INÉGALITÉS DES GENRES]

Il est question ici des protections intimes (tampons, serviettes) et il est précisé qu’elles contiennent BPA, toxines, phtalates… Les plastiques constitutifs ne font pas penser que ces protections contiennent des substances de ce type.

Les infographies sont trop générales pour identifier l’origine d’éventuelles substances. Je vais donc voir du côté de l’ANSES et je trouve ce rapport avec ces précisions. Source.

On y retrouve certaines substances, mais pas de BPA. Certaines contiennent des phtalates et d’autres substances, mais en deçà des seuils sanitaires et réglementaires. Les compositions devraient être plus transparentes, mais on est loin de l’état des lieux fait dans l’Atlas.

Ces substances controversées sont probablement issues des adhésifs et des parfums parfois présents. Les dioxines peuvent venir des traitements de la cellulose toujours selon le rapport de l’ANSES. La phrase ci-dessous est donc fausse.

Les cup menstruelles sont recommandées par les auteurs de l’Atlas. Bien qu’elles soient en plastique. Mais elles ne sont pas exempts de risques, notamment de par leur utilisation et les préconisations d’hygiène auxquelles elles sont soumises.

Les infographies sont incompréhensibles au regard de ce qui est connu sur ces sujets. Elles font peur au consommateur, sans raison rationnelle. Mais n’est ce pas la volonté des auteurs ? Générer de la peur, de la colère… une réaction irrationnelle.
Ah et p.18, le PEFD n’existe pas ! la traduction est mauvaise.

[ALIMENTATION]

L’affirmation suivante est partielle puisque les industriels réduisent les épaisseurs et quantités d’emballage. En parallèle, la demande d’emballage notamment des pays en voie de développement est importante. Quid de la comparaison avec les autres matériaux ?

Il est question ici de 2 études sur la présence de microplastiques dans les aliments. La première que j’ai débunké (lien) la seconde qui correspond à l’étude de WWF et dont j’ai souvent parlé : pas publiée et beaucoup de réserves de l’auteur. Non citées ici bien sûr.

Le point suivant est une source de microplastiques sous-estimée et qui je pense doit être mieux considérée pour travailler sur le problème de fond. Mais il faut prendre en compte la définition des microplastiques qui concerne TOUS les polymères comme les fibres cellulosiques.

[HABILLEMENT]

On parle ici du polyester en donnant un chiffre important d’impact environnemental. Ce chiffre vient du lien. Dans cette analyse de cycle de vie (ACV), l’hypothèse est que 80% de la production de polyester est utilisée pour le textile. Sauf que..

1/ Ce n’est pas le cas selon le graphe ci-dessous (source Plastic Insight, catégorie non-food). On ne peut pas considérer d’un côté que la majorité de la production est utilisée pour l’emballage alimentaire et de l’autre tout mettre dans le textile… a un moment donné ça ne fonctionne pas.

2/ Il ne considère pas l’impact du recyclé qui représente 14% du marché du PET textile. Source.

Ce qui est très étonnant avec le choix de la source en question c’est que la plupart des études sur le sujet montrent que la production de coton est plus impactante que celle du PET. A croire que personne n’a lu ces documents avant de les utiliser
Source.

[CHANGEMENT CLIMATIQUE]

La production de plastique participerait au réchauffement climatique. Toutes les ACV sur le sujet nous auraient-elles menti ? Le problème est multiple ici. La seule source sur le sujet est le site CIEL et pas de croisement de sources

Extrait d’un rapport CIEL:

Je ne comprends pas comment une matière qui représente 4% de la production de oil&gas peut accumuler sur 35 ans l’équivalent de 30 ans des émissions associées au charbon, oil& gas des USA… sans être brulée…

Ensuite l’impact direct est pris en compte sans ACV complète. Pourtant il y a des impacts évités en utilisant du plastique, notamment dans les transports. J’avais succinctement parlé de l’impact CO2 de la pétrochimie (plastiques et autres produits) ici.

Selon l’IEA (International Energy Agency) la pétrochimie représente 18% des impacts CO2 du secteur de l’industrie. Sachant que les plastiques sont une part de cette quantité.
Rapport de l’IEA.

Concernant l’émission de CO2 des plastiques au moment de sa dégradation : tous les matériaux organiques, constitués de chaines carbonées produisent du CO2 et parfois du méthane (en fonction des conditions de dégradation). Même l’homme quand il se dégrade.

L’argument n’est donc pas pertinent : si le polyéthylène se dégrade dans la nature sur plusieurs centaines d’années, la formation de CO2 se fera sur cette période, très lentement. Certains diront qu’ils le séquestrent. Je n’irai pas jusque-là.

[MILIEUX AQUATIQUES]

Je ne vais pas commenter la partie sur la pollution des océans, j’ai fait plusieurs threads sur le sujet et notamment celui sur les fibres plastiques (lien)

Il y a une pollution, elle est bien réelle et très négative pour la biodiversité. Mais des documents comme celui-ci n’aideront certainement à réduire la pollution. Ils permettront de réduire les quantités de plastique sans régler le problème de fond.

[INDUSTRIES]

Chapitre sans intérêt, toujours pas sourcé, avec des accusations assez graves je troue contre l’industrie. Il y aurait beaucoup à en dire. Mais je pense que c’est aux industriels d’y répondre. J’espère qu’ils le feront.

[BIOPLASTIQUES]

Il est dit ici que les plastiques ont « une durée de vie presque infinie ». Les plastiques peuvent se dégrader rapidement en fonction des conditions d’exposition. Il n’y a pas d’infini sauf à l’échelle moléculaire. Mais notre existence serait également infinie.

Biodégradable est assimilé à compostable ici. C’est donc confus : un matériau biodégradable n’est pas forcément compostable. La norme EN 13432 n’est pas citée mais je pense qu’il y est fait référence ici. Par contre elle n’est pas internationale. Elle est européenne uniquement

Les chiffres de l’infographie sur la production de bioplastiques sont faux. Les vrais chiffres sont ici en bas du document.

Il est dit qu’un matériau biodégradable (compostable) ne se dégrade pas forcément dans d’autres milieux. Ce qui est vrai. Mais pas uniquement dans le cas des plastiques biosourcés, c’est vrai pour tous les matériaux dits compostables. Coton, papier,…

Quel que soit le matériau le temps de dégradation sera plus long voire beaucoup plus long en fonction de l’environnement et des éventuelles modifications du matériau (teinture et traitement pour les textiles).

C’est ce qui me gêne dans ce document : aucun recul n’est fait sur ces sujets. Le risque ici est de considérer que le principe de biodégradation est différent entre un plastique et un autre matériau qui serait plus éco-responsable selon eux. Ce qui est totalement faux.

Faire croire que l’on produit des plastiques biosourcés à partir de cultures uniquement est faux. L’industrie recherche des solutions de production à partir de déchets de l’agroalimentaire. On ne rase pas des forets pour produire du plastique.

[RECYCLAGE]

Beaucoup de chiffres ne sont pas compris ou mal utilisés. Petit exemple ci-dessous. En fait c’est 8.3 milliards de tonnes de plastique produites de 1950 à 2015 (fibres incluses) et 30% qui sont toujours en utilisation. Source (qu’ils citent) :

Selon eux, seulement 14% des plastiques sont recyclés aujourd’hui. Ce sont les chiffres USA. Au niveau mondial on atteint 18% de recyclage (2014) et 30% en Europe selon la même source et Eurostat.

On s’y perd un peu côté chiffres, parfois les zones considérées ne sont pas mentionnées ou bien les dates. Je remarque qu’il y a beaucoup de chiffres USA, sans que ce soit précisé dans le texte. Le lecteur pense que les chiffres sont mondiaux alors qu’ils sont régionaux.

Extrait ci-dessous : Le recyclage permet une utilisation dans l’alimentaire avec des critères d’acceptabilité élevés. L’emballage alimentaire utilise depuis des années entre 10-50% de recyclé dans la fabrication des emballages. 50% pour les bouteilles petit format de CocaCola.

Ces bouteilles ont été recyclées de très nombreuses fois sans problème. Le recyclage est une solution qui fonctionne. On peut le recycler plusieurs fois, il y a bien sur des conditions. Mais ce n’est pas impossible et on n’obtient pas forcément des matériaux de plus faible qualité.

L’une des solutions est le recyclage chimique en complément du recyclage matière pour éviter d’utiliser une matière vierge. Le recyclage chimique, contrairement à ce qui est dit, est une solution qui permet de dépolymériser et non pas de générer des combustibles et des gaz.

Ils confondent avec la pyrolyse parfois associée au recyclage chimique. Il n’est pas très utilisé pour des questions de coût mais il n’émet pas de produits toxiques. Mais il serait réducteur de parler de recyclage chimique en présentant uniquement la pyrolyse. C’est un exemple de non-compréhension du sujet.

[AFRIQUE]

Il est fait mention des interdictions de jetables en plastique, sans analyse des impacts économiques, environnementaux et sanitaire. C’est regrettable. L’interdiction ne fonctionne pas complètement dans ces pays. Mais pourquoi les pousser à interdire alors qu’il est urgent de les aider à gérer leurs déchets ?

Pourquoi pousser à interdire là où les propriétés des plastiques sont précieux? notamment pour la conservation et la sécurité sanitaire des aliments ? Le combat contre l’industrie des plastiques est-il plus important que l’impact sanitaire et environnemental ?

[SOCIÉTÉ CIVILE]

Le vocabulaire est agressif, guerrier je dirai. C’est une lutte contre l’industrie qui est décrite. Et contre le plastique. Pas contre la pollution. C’est donc un mouvement qui est décrit, usant du lobbying de la même manière que ceux qu’ils accusent.

A croire qu’il y a un bon et un mauvais lobbying. Il y a surtout un groupe qui, sous prétexte de protection de l’environnement, s’attaque à un matériau, pour mettre en avant sa propre vision et ses propres intérêts. « Rétablir la vérité » c’est en tout cas raté pour ce document…

[ZÉRO DÉCHET]

Cette partie fait une large publicité à ce mode de consommation. Sans comparaison, sans analyse d’impact. Le document termine sur cette partie et je pense que le lecteur, après tout ce qu’il a lu sur le plastique, y trouvera ce qu’il pensera être une solution.

L’aluminium, le verre, le plastique… l’Atlas ne fait aucun comparatif. Des chiffres bruts sont balancés pour choquer, provoquer une réaction émotionnelle. Et je pense que cela fonctionne vu le nombre de média ayant relayé ces éléments sans vérifications préalable.

Même en réduisant l’utilisation de plastique, il y aura forcément une forte augmentation de la production de verre et d’aluminium entre autres. Est-ce écologique? Que ce soit en termes de production de CO2 direct ou indirect mais aussi d’autres impacts environnementaux et humains

Je ne vous dirai pas que le réutilisable ne fait pas partie de la solution, au contraire. Mais lutter contre la pollution ce n’est pas lutter contre le plastique. C’est refuser quand c’est possible, réduire l’utilisation de matériaux quels qu’ils soient, réutiliser, recycler…

L’objectif n’est pas d’interdire l’utilisation d’un matériau, notamment le plus polyvalent, mais de réduire notre impact environnemental. Et n’oublions pas que modifier les comportements et modes de consommation prend beaucoup de temps.

Pour conclure

cet Atlas n’est pas un document factuel mais partial, avec un objectif clair : influencer l’opinion, les politiques, les médias, de manière choquante. Il n’a pas été rédigé par quelqu’un qui connait les plastiques. Les erreurs sont trop grossières.

Je ne le recommande donc pas et je pense qu’il est contre-productif. Il risque de provoquer, s’il est diffusé, une défiance vis-à-vis du tri entre autres. Mais c’est peut-être l’intention des auteurs.

Petit lien vers le Thread Twitter :

https://twitter.com/Kako_line/status/1236042091509223431?s=20

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