Les filets de pêche abandonnés ont un impact sur la biodiversité conséquent, parce qu’ils piègent les animaux marins qui n’ont alors aucune chance de s’en sortir. Comment lutter contre ces « filets fantômes ?
Jusque dans les années 1960, la plupart des filets de pêche étaient constitués de coton ou de chanvre. La découverte du Nylon dans les années 50 et d’autres fibres synthétiques ont rapidement permis de remplacer les matériaux naturels.
Les matériaux synthétiques sont choisis pour leur grande résistance mécanique, des performances durables, et un coût faible.
Mais leur durabilité importante est aussi un inconvénient : ils se dégradent très lentement dans les environnements marins.
Les filets fantômes font partis des engins de pêche (lignes, cordes, casiers) perdus en mer. Ils continuent de pécher des poissons et des animaux marins même une fois perdus. Cette pêche fantôme a des impacts multiples.
Les poissons pris dans ces engins y meurent et attirent d’autres animaux marins qui s’y piègent également. Sans parler des impacts sur la flore et sur les nurseries/habitats. Les impacts sur la faune/flore marine sont donc conséquents.
Cet impact est reconnu depuis 2004 par les nations unies. Mais la reconnaissance n’implique pas forcément l’action. Vous trouverez dans les sources une vidéo de « Sur Le Front » qui est plutôt bien faite sur le constat, notamment en méditerranée.
Les engins de pêche représentent 10% de la pollution plastique des océans. D’après une étude publiée dans Nature en 2018, ils représentent 46% des débris du continent de plastique qui se trouve dans le pacifique (vortex de déchet du pacifique Nord).
Mais la quantité massique n’est pas la bonne unité à considérer : il faut avoir en tête que ce sont plusieurs milliers de m2 de pièges pour la faune par filet ! le nettoyage est une solution mais c’est loin d’être suffisant. Il faut traiter le problème à la source.
Pourquoi le matériel de pêche n’est-il pas récupéré ? Perte, matériel coincé au fond de l’eau,… les récupérer a un coût et les pêcheurs ne signalent pas toujours ces pertes. Pourtant, d’un point de vue règlementaire ils doivent le faire. Et des initiatives existent.
Pour la méditerranée, il existe une plateforme permettant de signaler les engins de pêche fantômes, par les pêcheurs ou toute personne qui les identifie. Le projet Ghost Med permet de signaler ces engins.
Alors comment traiter ce problème ?
Plusieurs initiatives et travaux de recherche se penchent sur l’utilisation de filets biodégradables. Pour comprendre où se trouve l’intérêt de cette solution, il faut comprendre comment le filet de pêche impacte l’environnement une fois perdu.
Une étude coréenne a déterminé le taux de dégradation d’un filet conventionnel comparé à celui d’un filet biodégradable sur 4 ans. Les auteurs ont mis en évidence que la dégradation était plus importante lorsque l’eau était plus chaude, ce qui est cohérent avec la littérature.
La dégradation est progressive et on constate un effet visuel sur les filets biodégradables au bout de 2 ans. Pour les performances au bout d’au moins 3 ans selon ces clichés. Avant cela, la dégradation n’est pas assez importante pour générer un impact sur la résistance du filet.
Et attention, la dégradation observée ici est celle d’un monofilament (0.3 mm), et non d’un toron constitutif du filet (10-20 mm). L’impact de la dégradation sur les performances de pèche du filet peut donc être encore plus longue.
La durée de dégradation comparée à celle d'un plastique conventionnel est divisée par 2 ou 3 mais il ne disparaitra pas en quelques années. La biodégradation en mer est plus lente. Pour ce matériau là c’est 2% de perte de masse en 1 an dans des eaux tempérées.
D’ailleurs, sur toute la durée de l’expérience, ils n’ont pas vu de différences notables de quantités de prises entre les filets conventionnels et biodégradables. Cela signifie-t-il que les filets biodégradables sont une fausse bonne idée ?
Pas tout à fait. Comme pour tout problème environnemental, il n’y a pas une mais plusieurs solutions à associer. Il faut comprendre que les filets doivent pouvoir être utilisés par les pêcheurs sur une durée suffisamment longue pour que ce soit rentable.
Ils doivent conserver leur résistance mécanique pendant les périodes de pêche, ce qui nécessite une dégradation lente. Toute réduction de la durée de vie du filet aura un impact coût sur l’activité et une augmentation de la quantité de matière première utilisée sur ce secteur.
On ne peut pas programmer la dégradation d’un filet, elle dépend de l’environnement dans lequel le filet se trouve. Comme démontré par l’étude précédemment citée les filets biodégradables ou conventionnels auront pendant quelques mois un impact sur la biodiversité.
Une étude réalisée dans les eaux européennes précise que dans la plupart des cas, les filets perdent leur capacité de pêche au bout de 3 mois, à cause de la dégradation de la structure des filets par l’action des courants et autres actions mécaniques.
Pour des filets se trouvant en eaux profondes (>100m) le délai monte à 10 mois. L’enjeu se trouve donc dans les premiers mois de la perte du filet. Un filet biodégradable qui resterait utilisable 1 ou 2 ans ne permettrait pas de réduire l’impact court terme sur la biodiversité.
Et c’est là qu’il faut considérer d’autres solutions complémentaires pour réduire le risque de perte sur de longues durées :
Une solution serait aussi de créer un filet qui s’agglomère s’il reste trop longtemps dans l’eau. Le fait d’agglomérer le filet sous forme d’une boule par exemple, au bout de quelques jours, pourrait être une solution en plus de la biodégradabilité.
L’intérêt du biodégradable est pour les cas où les filets ne seront pas récupérés. Ce doit être une minorité des cas !
Il ne réduira pas l’impact sur les premiers mois voire les 2 premières années, mais il permettra de déduire l’impact sur le long terme, puisqu’il se dégradera plus vite qu’un filet conventionnel. Et pour que cela soit vrai partout et dans tous les océans, il faudrait adapter le matériau biodégradable en fonction de la zone de pêche.
Tous les matériaux biodégradables ne se dégradent pas à la même vitesse. Un filet utilisé en eau froide devra avoir une capacité de dégradation plus importante qu’un filet utilisé en eaux chaudes. La problématique des filets de pêche fantôme n’est pas si simple, elle nécessite de mettre en place plusieurs solutions complémentaires.
Il ne faut donc pas croire qu’un filet biodégradable sera la solution miracle, mais il permettra de réduire les impacts à long terme.
Sources :
– Rapport PNUE Engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés
– Sea-Mer asso
– Extrait SurLeFront « le désastre des filets fantômes »
– Article Nature
– Etude filets biodégradables
– Matériaux biodégradables dans l’eau de mer
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