Il est souvent admis que réduire l’utilisation de béton dans la nature résuire l’artificialisation des sols. Sauf que ça ne signifie pas la même chose. Voyons de quoi il s’agit, et c’est plus complexe que ce que l’on imagine.
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Les sols ont plusieurs fonctions écologiques :
L’artificialisation des sols, qui est une transformation des sols, a pour conséquence de modifier une ou plusieurs de ces fonctions, avec des impacts directs sur la biodiversité et l’environnement. D’autres impacts (sociaux, économiques et sanitaires) y sont également associés.
Voici la définition de l’INSEE. L’artificialisation concerne la transformation des zones forestières, agricoles et naturelles (incluant les zones humides).
L’artificialisation des sols intègre l’habitat et les espaces verts associés, les zones industrielles et commerciales, les équipements sportifs ou de loisirs, les réseaux de transport, les parkings, les mines, décharges et chantiers. Les chemins de fer en font partie par exemple.
Il existe plusieurs méthodes pour mesurer l’artificialisation en France, avec des différences majeures. Voir ci-dessous pour le comparatif. Pour ceux qui se posent la question, l’impact des énergies renouvelables y est intégré.
L’artificialisation affecte la biodiversité du sol par la perte d’habitat, la contamination des milieux ou la fragmentation des milieux (rapport INRAE/IFSTTAR). Pour ce dernier point, on peut donner l’exemple des routes qui ont un impact sur la connectivité écologique.
Plus la densité des infrastructures routières est importante, plus cette fragmentation a de conséquences, notamment sur des espèces qui n’ont pas de capacité d’adaptation et qui ont une zone d’habitat spécifique et limitée.
L’artificialisation a également un impact sur le processus hydrologique, notamment par l’imperméabilisation des sols : ruissellement, réduction de l’infiltration de l’eau et de l’évapotranspiration. Pour résumer, en cas de pluies intenses le risque d’inondation est plus élevé.
Concernant l’impact sur la séquestration carbone, l’artificialisation réduisant les surfaces de sols naturels ou cultivés, conduit à une réduction de la capacité de stocks et puits carbone sur le territoire. Selon un rapport du programme EFESE (Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques) la poursuite des tendances actuelles en matière d’artificialisation à l’horizon 2050 pourrait conduire à un déstockage équivalant à 75 % des émissions de 2015.
L’étalement urbain a également pour conséquence d’étendre les réseaux et infrastructures (assainissement, routes, électricité, etc) et la mise en place de structure permettant de réduire les risques d’inondation associés à une modification des sols par imperméabilisation. Concernant les impacts sanitaires, j’évoquerai simplement l’effet en période de canicule (c’est d’actualité), avec une mauvaise réflexion des rayons solaires en l’absence de végétaux et une réduction des espaces ombragés.
Le phénomène d’évapotranspiration est également un élément d’importance en période de forte chaleur : l’eau contenue dans les sols et les points d’eau se libère en se transformant en gaz (évaporation) et l’eau contenue dans les feuilles se dégage pour maintenir la température du végétal (transpiration). Ce qui permet de réguler la température de l’air.
Mais cet effet est local. En zone urbaine, il doit être accompagné part un choix de matériaux pour améliorer le confort thermique des bâtiments comme des revêtements réfléchissants, des façades/toits végétalisés. L’urbanisation doit intégrer les effets de l’artificialisation.
L’étalement urbain est une tendance forte, mais qui doit être contrôlée pour éviter qu’elle soit diffuse et discontinue. Faut-il pour autant densifier les villes ?
Il y a bien sûr des limites, que ce soit d’un point de vue social ou environnemental. Mais il y a quelques pistes : réhabiliter les espaces vacants, les friches industrielles et les intégrer aux espaces déjà urbanisés, estimer le besoin réel en logement et recenser les espaces bâtis vacants. L’objectif est d’optimiser et de repenser les espaces déjà artificialisés.
Comme vous pouvez le constater, le sujet de l’artificialisation des sols est complexe. Le béton est ici un symbole qui peut induire en erreur et conduire à certaines incompréhensions. Les propos vs les actes peuvent ainsi s’avérer contradictoires.
Prenons l’exemple de l’effet sur l’imperméabilisation. Bien que l’habitat individuel soit responsable d’une grande partie de l’artificialisation des sols en France, le taux d’imperméabilisation associé est plus faible que celui des réseaux routiers.
En effet, 90 % des surfaces destinées aux infrastructures ou aux activités économiques sont imperméabilisées.
Pour finir : il est possible de désartificialiser (ou renaturer) un sol. Mais la réhabilitation écologique est un processus qui peut prendre du temps. Ce processus peut avoir des effets bénéfiques immédiat, notamment sur la réduction de l’imperméabilisation des sols.
Réduire l’artificialisation des sols à l’utilisation du béton c’est ignorer une grande partie de la problématique. D’autant que la loi Climat Resilience parle d’artificialisation des sols de manière plus large (Article 48). Donc, évitons le simplisme…
Sources :
–Le portail de l’artificialisation des sols
–Rapport INRAE/IFSTTAR
-Rapport ADEME
–Rapport EFESE
–Rapport France Stratégie
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