Visite de la centrale nucléaire de Bugey (VD4)

Débrief de ma visite du réacteur n°5 de la centrale nucléaire de Bugey qui passe sa 4e visite décennale (VD4), un passage important au moment où l’on doit décider de l’avenir énergétique du pays, qui ne se fera pas sans nucléaire.imagPhoto:  Brio Studio 

Je souhaitais vous expliquer ce qu’est une VD4 et voir à quoi ressemble un réacteur nucléaire de 40 ans, dit « vieillissant » par certains politiques qui n’y ont jamais mis les pieds. Le mieux est d’aller constater par soi-même ce qu’il en est.

La centrale de Bugey produit en moyenne, chaque année, 20 TWh bas carbone. Cela correspond à 6 à 7% de la production nucléaire française. Le site est constitué de 5 réacteurs dont 4 en fonctionnement :

  • Bugey 1 qui est un réacteur UNGG (Uranium Naturel-Graphite-Gaz), mis en service en 1972 et arrêté en 1994, actuellement en démantèlement.
  • Bugey 2 à 5, faisant partie du premier palier (dit CP0) des réacteurs nucléaires de 900 MWe

Les réacteurs 2 et 3 ont un circuit de refroidissement en boucle ouverte :
source: IRSN

Tandis que celui des réacteurs 4 et 5 fonctionne en boucle fermée, avec des aéroréfrigérants. 2 par réacteur parce qu’à l’époque il n’a pas été possible de construire des aéroréfrigérants plus hauts.

Le réacteur de Bugey 5, que nous avons visité, a été raccordé au réseau en 1979. Dans le cadre de sa 4e visite décennale, le réacteur doit démontrer qu’un prolongement de sa durée d’exploitation est possible après 40 ans et pour au moins 10 ans.

Rappel: la création d’une installation nucléaire en France se fait SANS durée limite d’exploitation. Elle est remise en question tous les 10 ans. C’est ce que l’on appelle la visite décennale. Et si vous voulez savoir ça se passe ailleurs (source : ASN)

Les 2 principaux objectifs de la VD4 sont les suivants :

1. Vérifier l’état et la conformité des installation

Etat de vieillissement de l’installation, modification matérielle, remplacement/rénovation des gros composants, réalisation des 3 examens règlementaires suivants :

  • Avant notre arrivée l’épreuve hydraulique a été réalisée sur le circuit primaire avec succès. Il a été soumis à 207 bars au lieu de 155 en fonctionnement. Elle est réalisée après vérification de l’intégrité du circuit C’est un test de résistance et d’étanchéité. Voir ici pour les explications. 
  • Toute la surface intérieure de la cuve a été contrôlée, ce qui a pris une dizaine de jours afin d’obtenir une cartographie permettant le contrôle de son état de vieillissement. La machine d’Inspection en Service (MIS) a permis de réaliser cet examen.


C’est un robot équipé de méthodes de contrôle non destructives (CND): ultrasons, gammagraphie, caméra (examen télévisuel), courants de Foucault. L’objectif est de contrôler minutieusement la surface de la cuve, soudures et raccordements au circuit primaire. Explications ici.

  • Enfin, l’épreuve enceinte consistera à augmenter la pression dans le bâtiment réacteur jusque 5bars afin d’en mesurer l’étanchéité dans un contexte accidentel. L’enceinte est constituée de béton précontraint et d’une peau métallique. Plus d’infos ici.

2. Réévaluation du niveau de sûreté

Celai intègre la mise à niveau de l’installation au standard Post-Fukushima : permettre à l’installation de résister à des évènements extrêmes (séisme, inondation, tornade, etc). Des cas qu’on ne rencontre pas aujourd’hui mais qui sont anticipés.

Beaucoup de modifications sont apportées, difficile d’en faire le tour sans en oublier. Pour résumer elles viennent compléter/remplacer des dispositifs existants. Par exemple, des équipements ultimes sont ajoutés à l’existant pour permettre un approvisionnement de secours en eau ou électricité. Un exemple : le Diesel d’Ultime Secours (DUS)

Pour préciser, chaque réacteur dispose déjà de sources d’alimentation diversifiée et redondante. Ceux ajoutés au cours de la VD4 sont donc complémentaires et autonomes en cas d’évènement exceptionnel, si les dispositifs existants sont défaillants.

D’autres modifications importantes sont mises en place, par exemple :

  • le récupérateur de corium qui permet d’éviter tout percement du radier du bâtiment réacteur en cas d’accident grave. Le corium est une matière issue de la fonte des éléments du cœur en cas de fusion du réacteur.

  • le dispositif ultime d’aspersion de l’enceinte, permettant de prévenir l’accident avec fusion du combustible et d’en limiter la progression

Toutes les modifications complémentaires ne sont pas faites pendant la VD4, le programme est étalé sur 5 ans. Bien sûr, certaines modifications ayant lieu dans des zones accessibles uniquement pendant les arrêts, sont priorisées.

La VD4 est exceptionnelle pour ces raisons-là : au-delà des vérifications de conformité et de vieillissement de l’installation, il y a beaucoup de modifications à intégrer.

Un gros travail réalisé avec l’ASN depuis 2013 pour fixer les objectifs et le calendrier des travaux.

Revenons-en à la visite. Après être passé devant les DUS, nous avons visité le Bâtiment Réacteur Nous avons pu voir la cuve dans la piscine du réacteur actuellement vide, avec le couvercle de cuve disposé au-dessus.

Point important : les générateurs de vapeur ont tous été remplacé il y a 10 ans. Comme déjà expliqué, le remplacement des gros composants est anticipé afin de permettre l’exploitation. Ils sont ici protégés par des filets pour éviter la chute d’objet dans la piscine du réacteur

Nous avons traversé la salle des machines qui abrite la turbine le condenseur et l’alternateur. Les circuits secondaires et tertiaires sont également vérifiés au cours de la VD4. Ex: une épreuve hydraulique est réalisée sur le secondaire après contrôle non destructif des soudures.

Nous avons ensuite échangé avec les volontaires de la FARN (Force d’Action Rapide du Nucléaire) qui intervient en moins de 24h en cas de crise sur n’importe quel site nucléaire en France. La FARN est implantée à Bugey, Civaux, Dampierre et Paluel.

Ils peuvent intervenir sur terre, eau et air avec des moyens spécifiques aux interventions à réaliser et une autonomie de 72H. La FARN a été créée en 2011. Elle dispose de moyens matériels importants et d’un personnel qualifié, issu des métiers du nucléaire

Elle a pour objectif d’éviter tout rejet dans l’environnement en cas d’accident grave. Leur mission est de réalimenter la centrale en eau, en air et en électricité de manière à maintenir le fonctionnement des installations.

Pour conclure, quelques chiffres pour cette VD4 :

  • 61 modifications techniques !
  • 70 000 tâches unitaires planifiées
  • 4000 intervenants (salariés et prestataires) au lieu d’environ 2000 hors VD
  • Environ 200 entreprises mobilisées
  • Fin de VD : Février 2022

Nous avons vu beaucoup de choses durant cette visite, difficile de tout rapporter en un article !

Ce que je retiens surtout c’est que les moyens mis en place aujourd’hui permettent aux réacteurs nucléaires français de résister à des évènements climatiques et sismiques exceptionnels et de réduire les rejets environnements en cas d’accident grave.

Contrairement à l’affirmation de certains politiques, le vieillissement d’un réacteur nucléaire ne dépend pas juste de l’âge mais aussi des conditions d’exploitation et de la maintenance réalisée pendant sa durée de service. Le terme « vieillissant » ne veut donc rien dire.

Je tenais à remercier toute l’équipe qui nous a accueilli sur place : l’équipe d’accompagnement pour la qualité technique des échanges (on a été dans les détails techniques, à chaud !), l’équipe com’ qui a organisé la visite et les salariés rencontrés. Merci à tous !

 

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