Comment les fondations des tours du World Trade Center (WTC) ont pu être construites ? Quelques explications concernant la méthode de la paroi moulée dans ce contexte.
Photo de Thomas Svensson sur Pexels.com
Les travaux de construction du WTC ont débuté en 1966 sur l’île de Manhattan à New York. Le site se situait à l’emplacement d’une ancienne décharge publique, avec un substratum rocheux accessible à plus de 20 m de profondeur.
Il a donc fallu creuser jusqu’à la roche et extraire plus d’1 million de m3 de terre et déchets enfouis (poutres des anciens quais, épaves de navires enterrées). Le lieu de construction impliquait de creuser dans un sol gorgé d’eau, avec de forts risques d’inondation du site.
Il fallait assurer la stabilité de ces tours de plus de 415 m de haut et que la construction puisse se faire sans risque d’inondation. Comme on peut le voir sur cette photo prise avant la construction, le site est au bord de l’Hudson river.
La technique utilisée pour la mise hors d’eau du site de construction est celle de la paroi moulée : l’objectif est de pouvoir travailler sans risque d’inondation. Ces parois en béton constituent un soutènement (notamment face à la poussée de l’eau et des terres). La méthode qui s’est développée au milieu du XXe siècle, a été utilisée notamment dans le cadre des travaux du métro de Milan dans les années 50-60.
Ici la ligne de métro en 1961. (source : transporturbain).
C’est une technique qui a été très utilisée en milieu urbain notamment parce qu’elle s’y adapte très bien (faible encombrement et intégration des contraintes associées). Et elle permet de travailler dans des conditions géotechniques variées et des profondeurs importantes.
Après introduction au début des années 60 aux USA, elle est utilisée pour la première fois sur un grand projet en 1967 pour la construction des fondations du WTC. La technique, relativement simple, peut être décrite en 3 étapes :
ETAPE 1
une tranchée de 1 m de large, 6,7m de long et 20 m de profondeur est creusée (voir outillage ⤵️). Généralement à cette étape, la tranchée se remplie d’eau. Elle a dû être creusée avec mise en place de « murettes-guides » facilitant les étapes suivantes.
ETAPE 2
Une boue de forage constituée d’un mélange de bentonite et d’eau est introduite dans la tranchée. La bentonite est une argile qui, une fois humide, permet une étanchéité face à l’eau. Elle est très utilisée en génie civil. Plus dense, elle vient remplacer l’eau dans la tranchée et constituer un mur qui va s’opposer à la pression hydrostatique. Pour résumer l’eau ne passe pas et la tranchée va rester en l’état sans éboulement.
ETAPE 3
Le béton armé peut être mis en place. Tout d’abord, la cage d’armatures est installée dans la tranchée. Les panneaux pesaient autour de 25 tonnes chacun.
Petit exemple ici d’armatures d’un ouvrage plus récent (Port du havre, photo : Patrice Lefebvre).
Ensuite le béton est coulé du fond à la surface grâce à des colonnes de bétonnage et vient remplacer la boue bentonitique puisque sa densité est plus importante. La boue repoussée est pompée, traitée et réutilisée pour une autre tranchée (Source: AP Photos, premier béton).
Pour résumer, les étapes en visuel ici
(Source BOTTE fondations)
Le panneau ainsi coulé retient les venues d’eau. Il est dit relativement étanche. Les joints entre deux panneaux adjacents ont probablement été traités pour conserver l’étanchéité mais je n’ai pas le détail des produits utilisés. La construction a été réalisée panneau par panneau pour atteindre un périmètre de 1067 m environ. Une fois les panneaux durcis, l’excavation peut commencer dans la zone délimitée par les parois moulées, afin de préparer la construction des tours.
1 500 ancrages en acier à haute résistance ont été installés à travers parois moulées, puis enfoncés de 10,6 mètres dans le substratum rocheux. Chaque ancrage pouvait supporter une charge de 100 à 300 tonnes, ce qui leur permettait de soutenir la paroi moulée contre la pression des eaux souterraines. L’objectif étant d’éviter que les parois moulées ne s’effondrent vers l’intérieur.
Pour les installer, des forages de 15 cm de diamètre sont réalisés en diagonale dans la paroi moulée puis à travers le sol jusqu’à la zone rocheuse pour stabiliser la structure.
Des câbles d’acier sont ensuite insérés dans les forages et ancrés dans le substratum rocheux. Les tirants sont ensuite tendus, leur résistance vérifiée puis scellés pour maintenir le mur (source 1ère photo : NY Times).
C’est ainsi que la « baignoire » du WTC a été construite : un sous-sol de 20 m de profondeur délimité par un mur relativement étanche, sur un périmètre de 1067 m. Voici un visuel qui résume ces explications (pas à l’échelle par contre). Source : howstuffworks
Petite difficulté visible sur le précédent tweet : les parois moulées ont été construites sur un tunnel en acier. C’est une zone singulière qu’il a fallu prendre en compte au moment de la mise en œuvre, avec des effondrements qui ont lieu pendant la construction.
Pour conclure : Les parois moulées ont joué un rôle de soutènement et de fondation jusqu’à l’effondrement des tours, en maintenant l’étanchéité vis-à-vis de l’Hudson River, ce qui a permis d’éviter l’inondation des structures souterraines sous-jacentes (notamment le métro).
Pour les puristes : je parle ici de structure « relativement étanche » au sens du DTU 14.1 entre autres. Cela signifie que l’ouvrage va retenir l’eau et les terres mais un débit de fuite est admissible sur sa durée de vie. J’avais parlé étanchéité ici.
SOURCES:
– 9/11 Memorial & Museum
– Article dédié du Time
– LCPC (Ouvrages de soutènements)
Petit lien vers le Thread Twitter :