Debunk Interview – Les métaux dans la transition énergétique

J’ai visionné l’interview d’Aurore Stéphant sur la chaine Thinker View sur les matériaux miniers dans la transition énergétique. Il y a des points intéressants, mais aussi des imprécisions voire infox: dès qu’on touche à l’usage et au cycle de vie. Prenons quelques exemples

excavation miniere sur une montagne

Photo de Vlad Cheu021ban sur Pexels.com

Vous retrouverez la vidéo ici.

L’interviewée, Aurore Stéphant, est ingénieure géologue. Les parties de l’interview qui touchent à son domaine d’expertise posent donc de bonnes questions sur l’utilisation des ressources minières et leurs impacts.

Mais en dehors de son domaine d’expertise elle donne souvent un avis personnel. Elle a le droit de le faire et cela me parait clair dans son discours, mais lorsque c’est associé à des chiffres, ça devient un problème, l’information est associé à un fait et non à un avis personnel.

« un véhicule électrique émet deux fois plus de CO2 qu’un véhicule thermique si on prend en compte sa fabrication. » ❌Faux

Elle cite l’Agence Européenne pour L’environnement, rapport de 2018. La source est disponible ici.

La conclusion de ce rapport est présentée dans le graphe ci-dessous. La source date de 2013 et donne les émissions de GES. On est loin de 2x quand on compare les 2 types de véhicules

BEV: battery electric vehicles (VE)
ICEV: internal combustion engine vehicles (VT)

Des études mentionnées dans ce rapport, qui datent de 2016, montrent que sur la phase de fabrication (et non l’ensemble du cycle de vie) le VE peut avoir un impact de 1.3 à 2x supérieur au VT. A-t-elle voulu parler de l’étape fabrication uniquement ? peut-être. 

Qu’en est-il des études récentes ? Il y a l’étude de l’IEA sur la criticité des métaux qui donne également des éléments de réponse et qui présente les résultats en émissions de GES. L’écart-type est lié au mix électrique.
(Source).

Bien sûr qu’une VE a un impact à la fabrication plus importante qu’une VT, mais regarder l’impact uniquement sous l’angle de la fabrication n’est pas pertinent dans ce type de comparaison. L’objectif est de réduire l’impact de l’usage (cycle de vie complet) pas du moyen

Je vous conseille la vidéo du Réveilleur si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, disponible ici.

« […] le fluocompacte on monte jusqu’à 26 fois plus d’impact qu’une lampe à incandescence. Et on est entre 2 à 5 fois plus d’impact en fonction de ce que l’on considère sur une LED » ❌Faux

Elle se base sur des données 2012 donc j’ai retrouvé une étude réalisée par l’US Energy Department pour cette date. Quel que soit l’impact, les ampoules à économie d’énergie sont préférables.
En bleu l’ampoule à incandescence. C’est assez parlant.
(Source).

Sur la fin de vie des ampoules, elle affirme que ces ampoules ne sont pas ou très difficilement recyclables alors que les ampoules à incandescence étaient facilement recyclables. Ses propos sont floues donc je pense qu’elle a des informations partielles. Dans les faits :

✅Les ampoules à incandescence ne se recyclaient pas parce qu’elles n’avaient pas de filière de recyclage. Elles se jetaient jusque là dans la poubelle des déchets ménagers.

✅Les ampoules néons, fluocompactes et LED ont une filière de recyclage. Elles ne doivent pas être jetées dans la poubelle des déchets ménagers parce qu’elles contiennent des substances dangereuses. Mais elles sont traitées dans une filière de recyclage et pas enfouies.

Je vous conseille cette infographie d’Ecosystem si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet (cliquez sur l’image ci-dessou). Cela explique notamment que ces ampoules sont valorisées à plus 90% en poids.

Sur la question du mercure contenu dans les ampoules fluocompactes, elle compare l’impact toxicologique d’un bris d’ampoule avec celui d’un thermomètre au mercure.
Ce n’est pas pertinent
 
J’ai retrouvé l’avis scientifique dont elle parle (source), qui indique les risques toxicologiques et détermine les valeurs limites d’exposition en cas de bris d’ampoule. Par ailleurs, le document précise également les limites d’exposition au travail.
 
Et ce qui est intéressant dans cette étude, c’est qu’elle compare justement le risque d’intoxication avec celui d’un thermomètre, qui contient 100 fois plus mercure qu’une ampoule fluocompacte : 
 
« Le bris d’une ampoule fluo-compacte en milieu résidentiel contenant 100 fois moins de mercure ne devrait donc pas entraîner de situation d’intoxication aiguë. ». L’exposition étant très différente les deux situations ne sont pas comparables en termes d’impact sur la santé. 
 
Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de risque, il faut tout de même prendre des précautions en cas de bris. Les conseils pour décontaminer la zone en question sont dans l’étude, notamment ne pas utiliser d’aspiration qui pourrait contribuer à répandre le mercure dans la pièce
Pour conclure
Je n’ai pris ici que quelques exemples. Ce qui me gêne dans ses propos, c’est qu’elle dénonce la mauvaise utilisation des ACV, qui se concentrent sur les émissions de GES ou l’utilisation d’analyses sur une partie du cycle de vie. Mais c’est ce qu’elle fait dans son interview.
 
Elle précise à chaque fois qu’elle a lu des articles ou des rapports sur ces sujets, mais elle ne devrait pas être aussi affirmative sur ce qu’elle ne maitrise pas. C’est intéressant de ce point de vue je trouve, un risque pour tous les experts finalement.
 
Il est impératif de savoir différencier une opinion personnelle, souvent issue de nos lectures, d’un avis d’expert lié à notre expérience et connaissances sur le sujet. C’est indispensable, comme on peut le constater ici.
 
Là où je suis d’accord avec elle : La terminologie utilisée dans la transition écologique pose un problème de compréhension par le grand public de ce qu’elle implique. L’objectif de la transition écologique n’est pas juste de substituer ce qui est polluant par ce qui l’est moins, ’est aussi revoir notre manière de consommer, de produire et de se déplacer. Une évolution de la société qui prendra certainement du temps. Mais ce n’est pas vraiment comme cela que les choses sont présentées actuellement. Là-dessus il faudrait vraiment changer de discours.
 
Petit lien vers le Thread Twitter :

3 Comments on “Debunk Interview – Les métaux dans la transition énergétique

  1. Dommage que le plus important soit balayé en 2 lignes et que les imprécisions secondaires prennent toute la place.
    Les banksters de la croissance infinie se frottent les mains .-(

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    • Pas vraiment pertinent comme commentaire, ce ne sont pas des imprécisions secondaires puisque depuis la diffusion de cette vidéo ce sont ces points qui sont repris sur les RS, ça tourne en boucle. C’est là dessus qu’elle construit son argumentaire. Repris par les anti-transition énergétique.

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      • Que les RS fassent n’importe quoi n’est pas de sa volonté…
        Que les anti-transition fassent n’importe quoi non plus.
        Son propos est que la mine est une industrie sale, elle s’oppose donc à la consommation de masse qui saccage la planète, j’imagine que cela ne convient pas plus aux partisans du business as usual!
        L’amalgamer avec des abrutis qui font du cherry picking est malhonnête.

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