La destruction du pont reliant la Russie à la Crimée en Octobre 2022 est l’occasion de parler incendie et comportement des matériaux et diagnostique avant réparation.
Photo: AFP
La structure des matériaux peut être modifiée dès 300°C dans le sens de la dégradation:
Dans les 2 cas risque de fragilité de la structure à court ou moyen terme. Il faut savoir que l’on dépasse les 1000°C au cours d’un incendie en milieu ouvert en présence d’hydrocarbures. Pour les aciers de structure (tablier, poutre), la perte des propriétés mécaniques apparait dès 500°C. Cela peut varier en fonction du type d’acier et monter jusque 600°C.
Mais cela reste en dessous de ce que l’acier subit pendant un incendie. Les séquelles éventuelles sur la structure vont dépendre de la taille/masse de l’acier, de la durée de l’incendie ET de la vitesse de refroidissement de l’acier. Photo : Cerema
Pour une structure massive, il faut une vitesse importante pour que l’acier devienne fragile : 15 secondes pour passer de 800 à 500°C, pas atteignable pour une structure massive (épaisseur importante) en milieu ouvert.
Pour le béton armé, il y a l’effet de l’élévation non uniforme de la température entre la surface et le coeur du béton qui va générer des dilatations différentielles favorisant l’écaillage et l’éclatement du béton sur les zones d’enrobage des armatures. Photos : Cerema
Un défaut d’enrobage expose les armatures à la température, ce qui peut les fragiliser en fonction de la température atteinte pendant l’incendie et exposer les aciers au risque de corrosion après l’incendie. La température génère également une perte de l’eau libre et de l’eau liée dans le béton qui a pour effet d’augmenter sa porosité. Dès 300°C. L’eau liée assure la réaction d’hydratation du ciment. La microstructure du béton est donc modifiée à faible température.
L’augmentation de la porosité aura pour effet un risque d’altération des aciers de renforcement par transfert de CO2 dans la matrice cimentaire (risque de corrosion par carbonatation). Si c’est le cas il faudra mettre en place un revêtement pour protéger le béton. Pendant l’incendie, comme la microstructure du béton est modifiée, il perd de sa résistance lorsqu’il retourne à température ambiante. Au moins 10% de perte pour des températures atteintes supérieures à 300°C. Au-delà de 600°C cela peut atteindre 55%.
Pour le béton précontraint (dalle/poutre) : les cables sont beaucoup moins chauffés que les armatures du béton armé. Mais leur propriétés diminuent plus rapidement. Donc tout va dépendre, comme pour le béton armé, de la durée de l’incendie.
Il y a plusieurs manières de réparer, mais il est essentiel d’identifier les zones endommagées et leur niveau d’endommagement. La réparation dépendra du type de dommage. Il peut être nécessaire de conforter l’ouvrage ou de remplacer certaines parties.
Il y a des effets au niveau matériau par partie d’ouvrage et sur la structure globale du pont. Les structures génie civil sont conçues en prenant en compte ce risque jusqu’à une certaine limite. Il est donc important d’ausculter l’ouvrage avant qu’il ne soit ouvert à la circulation
Sources:
– Eurocodes, en fonction du type de structure (bonne lecture !)
– les rapports Cerema sur la résistance à l’incendie des ouvrages, assez techniques mais plus abordables que le Code
Petit lien vers le Thread Twitter :